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Actualités octobre 2019

Local privé d’un entrepreneur affecté à son activité

 

Un entrepreneur individuel choisit d’affecter l’immeuble dont il est propriétaire à son exploitation. Cette décision de gestion entraîne certaines conséquences fiscales.

Afin de garder l’immeuble lui appartenant dans son patrimoine privé, l’exploitant peut décider de le mettre gratuitement à la disposition de son entreprise ou bien le louer à celle-ci moyennant un loyer en vertu d’un bail commercial ou professionnel. Une décision de gestion opposable au fisc et dont les effets fiscaux doivent être correctement pris en compte.

 

Loyer à soi-même

L’entreprise individuelle (BIC ou BNC) a la possibilité de déduire de son résultat professionnel le loyer qu’elle est censée verser dès lors que son montant est normal. En revanche, elle ne peut déduire que les charges de l’immeuble relatives à son utilisation incombant normalement au locataire (entretien, réparation…) à l’exclusion des charges de propriété. Même en l’absence de flux financier concrétisant le paiement d’un loyer, l’exploitant est imposable dans la catégorie des revenus fonciers pour la part des loyers que l’entreprise a déduit en tant que charges professionnelles. De ses revenus fonciers, il peut déduire toutes les charges pesant sur l’immeuble.

 

Petite histoire de travaux

Un contribuable micro-entrepreneur dans la construction et le bâtiment émet à ce titre deux factures correspondant aux heures qu’il a personnellement consacrées à des travaux d’amélioration sur deux immeubles dont il est propriétaire. Lors d’un contrôle fiscal, le vérificateur remet en cause la déduction de ces sommes des revenus fonciers du contribuable et estime qu’elles doivent être déclarées au titre des BIC. La justice donne en partie raison au fisc et au contribuable.

 

Non déductible des revenus fonciers.

La non-déduction des travaux réalisés par le contribuable lui-même est confirmée par le Conseil d’État. En effet, le propriétaire d’un immeuble peut en principe déduire de ses revenus fonciers les frais de matériaux et main-d’œuvre afférents à des travaux de réparation et d’entretien ou des travaux d’amélioration. S’il réalise lui-même ces travaux, le prix d’achat des matériaux utilisés est déductible des revenus fonciers (à condition de présenter les factures ou tickets de caisse correspondants), mais les sommes facturées au titre du temps passé ne le sont pas.

 

Non imposable en tant que BIC.

S’agissant du supplément d’imposition notifié au titre des BIC, le Conseil d’État tranche en faveur du contribuable. Celui-ci ne peut être considéré comme exerçant une activité commerciale dès lors qu’il n’a réalisé au titre de son activité de micro-entrepreneur aucune autre prestation de travaux immobiliers ou de rénovation auprès de tiers particuliers ou entreprises. Les sommes qu’il s’est auto-facturées au titre du temps passé pour des travaux d’amélioration de son immeuble ne sont donc pas imposables.

 

Quand la vie privée s’invite dans la sphère professionnelle

 

Les événements relevant de la vie privée d’un salarié ont parfois une incidence telle en entreprise qu’ils sont susceptibles de justifier un licenciement. Si vous êtes confronté à une telle situation, soyez prudent avant de prendre votre décision.

Une histoire vraie – Une messagerie piratée.

Un salarié, délégué syndical (DS), s’était connecté deux fois à la messagerie professionnelle d’une collègue, DS du même syndicat, entre 1 h et 3 h du matin. Il avait ainsi transféré sur sa propre messagerie 53 messages échangés par cette collègue avec le directeur de l’établissement. Or, certains des messages étaient purement privés et classés comme tels dans un répertoire dédié. Ayant eu connaissance de ces faits, l’employeur avait licencié ce salarié protégé pour faute, après autorisation de l’inspection du travail. Le salarié a contesté la sanction et engagé une procédure judiciaire.

Sanctionner la déloyauté.

La question posée était la suivante : bien que commis en dehors de l’exécution du travail, ces faits traduisaient-ils une méconnaissance d’une obligation découlant du contrat de travail ?

Oui, d’après les juges : le fait qu’un salarié utilise les outils informatiques mis à sa disposition par l’employeur pour s’introduire dans la messagerie professionnelle d’un autre salarié sans l’accord de celui-ci et y détourne de la correspondance ayant explicitement un caractère personnel méconnaît l’obligation de loyauté découlant du contrat de travail, alors même que ces faits seraient commis, en dehors des heures de travail, alors que le salarié n’est pas sur son lieu de travail (CE 10 juillet 2019, n° 408644). En d’autres termes, un tel comportement peut donner lieu à une sanction disciplinaire.

 

Votre marge de manœuvre – Un distingo pas toujours évident.

Chacun a droit au respect de sa vie privée (code civil, art. 9). Ce qui ne relève pas de la vie professionnelle du salarié ne vous concerne pas en tant qu’employeur. Pour autant, la frontière entre les deux est parfois poreuse. Dans le domaine disciplinaire, la distinction est d’importance car vous ne pouvez en principe pas sanctionner un salarié pour des faits relevant de sa vie personnelle.

Licenciement parfois possible.

Toutefois, dans certains cas, des faits relevant de la vie privée du salarié sont susceptibles de justifier son licenciement lorsqu’ils :

  • sont indissociables de son activité professionnelle, c’est-à-dire qu’ils constituent des manquements aux obligations découlant de son contrat de travail (ex. : obligation liée à la santé ou la sécurité, obligation de loyauté). Vous pourrez alors procéder au licenciement disciplinaire de l’intéressé ;
  • ou bien causent un trouble objectif caractérisé au sein de votre entreprise. Vous êtes alors autorisé à prononcer un licenciement non disciplinaire.

LE CAS DES RESEAUX SOCIAUX Facebook, Twitter… les réseaux sociaux sont représentatifs de la porosité entre la vie privée et la vie professionnelle. Nombreux sont les salariés à s’y exprimer, souvent sans filtre. Si les propos tenus se rapportent le plus souvent à la sphère privée, il peut arriver que des salariés y parlent de leur entreprise, parfois en la critiquant ou en la discréditant. De tels propos peuvent-ils être considérés comme fautifs ? La règle est la suivante : en principe, tant que les propos tenus par le salarié au sujet de l’entreprise sur le réseau social demeurent privés, ils ne peuvent pas lui être reprochés, quelle que soit leur teneur. Lorsque les propos du salarié sont publics, tout dépend du paramétrage du compte sur le réseau social. Si les propos en question sont accessibles aux seules personnes agréées par l’intéressé, en nombre très restreint et formant ainsi une communauté d’intérêts, ces propos n’ont pas de caractère public. Dans ce cas, l’employeur ne peut pas les lui reprocher. En revanche, si les propos sont tenus sur un compte « ouvert au public » ou aux « amis et à leurs amis », l’employeur retrouve sa marge d’action. De même, quand la session Facebook d’un salarié est volontairement ouverte sur l’ordinateur de l’entreprise, rendant les conversations publiques et visibles de tous les salariés, les propos tenus deviennent publics et donc sanctionnables.

Exemples de licenciements pour des faits relevant de la vie personnelle

Licenciement disciplinaire admis

• Salarié ayant menacé, insulté et eu des comportements agressifs à l’égard de collègues ou de supérieurs hiérarchiques lors d’un séjour d’agrément organisé par l’employeur afin de récompenser les salariés lauréats d’un concours interne à l’entreprise
• Salarié s’étant rendu coupable de harcèlement sexuel en dehors du temps et du lieu de travail à l’encontre de personnes avec lesquelles il était en contact en raison de son travail
• Sur son lieu de travail, mais après la fin de son service, une salariée avait ostensiblement violé l’interdiction de fumer affectant ainsi l’obligation de l’employeur d’assurer le respect de la législation en matière de santé publique et tenu des propos à connotation raciste à l’égard d’un membre du personnel
• Un salarié avait proféré des menaces sur le téléphone personnel d’une collaboratrice subordonnée qu’il avait menacé de détruire de façon très professionnelle et de faire circuler des bruits sur elle
Licenciement disciplinaire exclu
• Un détournement de fonds, au détriment d’une association, commis par une salariée, trésorière de cette association implantée dans les locaux de la société
• Le fait pour un salarié, « ouvrier nettoyeur », qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire
• Le fait pour un salarié, chauffeur routier, d’avoir eu, durant son temps de trajet, un accident de la circulation ayant causé le décès d’un automobiliste, sans que ne soit constatée une conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants et n’ayant pas donné lieu à un retrait du permis de conduire ni à une peine de prison ferme
Licenciement non disciplinaire admis
• Directeur d’un foyer de logements, chargé de l’encaissement des redevances locatives, qui avait cessé depuis près de 14 mois de régler ses propres loyers. Ce fait constitue un trouble objectif à l’entreprise et justifie son licenciement
• Salarié utilisant un véhicule dans l’exercice de son travail, nécessitant la possession du permis de conduire, qui commet, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou l’annulation de celui-ci, l’empêchant ainsi d’exécuter sa prestation de travail. Toutefois, le salarié doit se retrouver dans l’impossibilité d’exercer l’ensemble des fonctions qui lui incombent, de sorte que s’il n’est pas employé exclusivement à des activités de conduite, l’employeur ne peut pas invoquer un tel motif